« Ce qui m’intéresse c’est de travailler la photo comme ma musique ou mon écriture littéraire : court-circuiter le réel avec les nouvelles technologies. Et comme je fais partie de la dernière génération des mecs des beaux-arts, qui ont encore eu une éducation artistique classique, étude documentaire, antiques, dessin, fusain, le nu reste mon sujet de prédilection ».
La même année (1987), il fera une vidéo art avec sa pièce : « Les Échos Du Silence », pour voix et ordinateur (commande GMEB), et obtiendra un prix international au festival de Santiago du Chili. Il compose également « L’autre Rive » une pièce totalement créée et gérée par l’ordinateur. Celle-ci est composée de 5 sections : Liminaire, Péripétie I, Péripétie II, Péripétie III et Luminis. Cette pièce sera jouée à L’Institut Karl Marx de Lille-Hellemmes.
En 1988, Il compose « Alice de l’autre côté du miroir », musique pour ordinateur et 4 DX 7 Yamaha, à la demande du conservatoire National de Région de Lille.
« Cette pièce, totalement gérée par l’ordinateur sur scène, a été donnée en création à l’opéra de Lille, avec la classe de danse contemporaine du CNR de Lille. C’est une musique de ballet. »
Parallèlement il compose également un album de Rock : « Lithuanian Totem » et joue tous les instruments. Il produit un CD.
« Je suis né avec l’électricité sur les guitares et j’ai découvert le haut parleur de puissance à la fête foraine ! Je suis toujours un peu nostalgique de mes années de rocker ! Sans mes morceaux de musique répétitive pour guitare électrique des années 70, je n’aurai pas fait ce que j’ai fait. Lorsque j’entends Deep Purple ou Led Zeppelin, je ne peux pas rester indifférent ! »
Il écrit également de la musique de chambre : "Le serpent d'or " (contrepoint pour 4 violoncelles), Quatuor N°2, Sonate pour violon, pour clarinette...etc. »
En 1995, il utilise la modélisation physique des sons acoustiques qu'il mixe avec l'écriture instrumentale classique. Il travaille également le digital painting, la vidéo Art, la photo numérique et écrit.
« Depuis mes premières toiles dans les années 70, mes installations où j’emprisonnais le vide dans mes structures en bois, mes expositions dans le noir ou encore mes bandes obliques, j’étais arrivé au bout de ma démarche artistique. J’avais ramené la peinture et l’art à son degré zéro. J’étais face à l’impossible de l’art et ma seule solution pour continuer, était le son électronique pour exprimer ma pensée. J’avais également évacué le monde instrumental de ma musique. Par ailleurs, l’art s’était tourné vers la financiarisation, je n’avais plus rien à voir avec lui. J’ai donc tout arrêté et je me suis retiré des expositions.
10 ans plus tard je reprendrai ma peinture mais comme à mes débuts, c'est-à-dire l’abstraction géométrique et en utilisant l’ordinateur. Comme objet/signe numérique, et comme possibilité d’une autre vision du monde. »
Petit à petit Patrick Dorobisz délaisse le champ des arts plastiques et marquera son retrait du monde de l’art avec sa performance, en 1987 : « Dérive contre piano. » Destruction sur scène d’un piano droit codé graphiquement, avec ses bandes obliques, à la hache et à la scie circulaire. (Il est accompagné par le groupe de musique expérimentale MU : Jean-Michel Monchecourt et Michel Dutouquet).
"Je me suis toujours inspiré de mes compositions picturales, mes abstractions géométriques, pour composer ma musique."
Lucien Goethals, compositer et directeur de L'IPEM Lucien Goethals, Patrick Dorobisz, José Berghmans (compositeur). Lors de la création de la Symphonie des Machines en 1985
Très préoccupé par les questions sociétales, et engagé au sein du parti communiste, il voit avec les machines qu’il utilise depuis les années 70, une ère nouvelle s’ouvrir et un changement radical de société. Avec ses œuvres musicales, il tente de porter le message de l’automatisation et de la robotisation, qui jusqu’aux années 90 ne seront jouées qu’exclusivement qu’avec l’ordinateur.
« Comme de nombreux artistes de l’époque, j’étais engagé au sein du Pcf. Lors des réunions chacun participait aux différents débats et donnait sa vision de la société. Pour ma part j’essayais de faire prendre conscience, de ce que je constatais, en utilisant mes nouveaux outils pour faire de la musique. Si j’étais capable de créer une nouvelle musique en n’utilisant que des machines, c’est qu’il y avait bien quelque chose de nouveau qui se profilait ! Je n’employais plus de musiciens et pourtant je faisais de la musique…
Cela voulait bien dire quelque chose ! Notre monde allait radicalement changer, et il fallait s’y préparer ».
La même année (1983) Patrick Dorobisz est admis à l'Institut de Psychoacoustique et de Musique Électronique de Gand - IPEM (Belgique) et travaillera sous la direction du compositeur Lucien Goethals, directeur du de l'Institut et du compositeur José Berghmans.
« J’avais tenté de rejoindre des centres de création musicale Français, mais à chaque fois on me disait que ma musique n’était pas de la musique. Je suis donc allé voir en Belgique et là on m’a dit que ma musique était de la musique…La musique répétitive n’était pas en odeur de sainteté en France… »
C’est au sein de l’IPEM, en 1984, qu’il créera « Le Gai Savoir » pour 4 Marimbas et la forme définitive de « L'orphéon de Jade ». Deux oeuvres de musique répétitive gérées par ordinateur en utilisant le système MIDI. Les matériaux sonores sont issus de la synthèse par modulation de fréquences (synthèse FM).
La même année, à la demande de Jean Colin, rédacteur en chef de la radio : Radio France Fréquence Nord et d’Alain Leroy directeur des programmes de la Station, (aujourd'hui France Bleu Nord) il réalise l’habillage sonore de la chaîne et compose de nombreux indicatifs.
« C’était un excellent exercice ! Pour moi qui était habitué à la musique qu’on qualifie de sérieuse… »
En 1985, à la demande de Jean-Marie Réquillart qui dirigeait la société Document Services (imprimerie) à Lille et qui a impulsé le mécénat d'entreprise, il compose « La symphonie des machines » : musique electroacoustique pour ordinateur ou computer music qui comprend trois mouvements : « Aria, Akhitektonika, Souprematika ». Cette fois la musique explore non plus le champ du temps, ou des décalages rythmiques mais celui des couleurs, des textures, des matières sonores. « Souprematika » est gérée en temps réel par l'ordinateur et prend ses racines compositionnelles dans la peinture suprématiste de Kazimir Malévitch.
Les 2 autres mouvements « Aria et Akhitektonika », dont les matériaux sonores proviennent de la société Documents services, l'imprimerie, ces 2 mouvements sont écrits pour des échantillonneurs et sont diffusés en quadriphonie. C’est avec le 3 ème mouvement "Souprematika" que Patrick Dorobisz obtiendra le 2ème prix international de musique électro-acoustique de Bourges en 1986. (242 compositeurs et 36 pays représentés).
« En Belgique et pour des musiques créées exclusivement par ordinateur, nous employions le terme de Computer Music qui nous semblait plus approprié que le terme d’electroacoustique, si toutefois nous utilisions des sons naturels ou concrets, dans ce cas nous utilisions le terme d’electroacoustique ». C'était une époque où nous parlions encore de musique électronique ou de musique concrète